Au cours des deux dernières décennies, l’Afrique a accueilli de nombreux événements sportifs majeurs, tels que la Coupe d’Afrique des Nations (CAN), les Jeux de la Francophonie et les Jeux Africains. Ces compétitions ont nécessité des investissements considérables dans les infrastructures sportives. Cependant, la question demeure : ces investissements ont-ils généré un retour sur investissement (ROI) durable pour les pays hôtes ?
Investissements majeurs dans les événements sportifs africains depuis 2000
Événement | Pays hôte | Année | Budget estimé | Source |
CAN 2023 | Côte d’Ivoire | 2023 | 1 milliard USD | Le Monde |
Jeux de la Francophonie | RDC | 2023 | 324 millions USD | RFI |
Jeux Africains | Ghana | 2023 | 195 millions USD | Graphic Online |
Jeux Africains | Congo-Brazzaville | 2015 | 33 milliards FCFA | Agence Ecofin |
Jeux de la Francophonie | Côte d’Ivoire | 2017 | 7,5 milliards FCFA | Wikipedia |
Le devenir des infrastructures post-événement
Malgré ces investissements, de nombreuses infrastructures construites pour ces événements sont aujourd’hui sous-utilisées ou à l’abandon. Par exemple :
- Au Congo-Brazzaville, plusieurs stades construits pour les Jeux Africains de 2015 sont en mauvais état.
- Au Cameroun, le complexe Paul Biya construit pour la CAN 2021 est peu exploité.
- En Afrique du Sud, plusieurs stades de la Coupe du Monde 2010 sont devenus des ‘éléphants blancs’.
Un retour sur investissement limité
Le principal défi réside dans la rentabilisation de ces infrastructures. Plusieurs facteurs expliquent ce faible ROI :
- Manque de planification à long terme.
- Coûts d’entretien élevés.
- Absence de partenariats public-privé.
Des exemples de gestion réussie
Malgré ces défis, certains pays ont optimisé l’usage post-événement :
- La Côte d’Ivoire a converti ses infrastructures en outils diplomatiques (soft power).
- Le Maroc a investi dans des stades polyvalents pour des événements multiples.
Recommandations pour un meilleur ROI
1. Planification stratégique pour une utilisation durable des infrastructures.
2. Encouragement des partenariats public-privé.
3. Construction d’installations polyvalentes.
4. Intégration de la formation locale et création d’emplois.
ANALYSES REFLEXIONS ET PISTES DE DEVELOPPEMENT POSSIBLES
Sur le continent africain, l’organisation d’un grand événement sportif est souvent perçue comme une victoire diplômatique ou une opportunité de visibilité. Mais au-delà du prestige momentané, la question véritable reste celle de l’héritage. Trop souvent, cette question n’est abordée qu’après les jeux ou compétitions, alors qu’elle devrait être au cœur de la stratégie dès la phase de candidature.
L’héritage d’un grand événement sportif ne se limite pas aux stades. Il est double : en infrastructures physiques et techniques d’un côté, en capital humain et en expertise de l’autre. Les infrastructures incluent non seulement les stades, mais aussi les moyens de connectivité numérique, de production télévisuelle, et d’équipements polyvalents pouvant servir aussi bien au sport qu’aux arts et spectacles. La RTI, en Côte d’Ivoire, en est un bon exemple avec des investissements qui ont permis un transfert de compétences durable dans la production télévisée.
L’organisation d’un grand événement devrait également servir à former des professionnels : réalisateurs, techniciens, régisseurs, coordinateurs, etc. Ces transferts de compétences doivent être contractualisés et planifiés pour devenir une véritable politique de développement du sport et de la culture par les métiers de l’événementiel.
Un héritage réussi suppose aussi une stratégie claire pour la réutilisation des infrastructures. Les équipements doivent être pensés pour accueillir aussi bien des compétitions sportives que des événements culturels ou commerciaux. La programmation post-événement doit inclure concerts, tournois, festivals et congrès.
Enfin, les pays doivent inscrire ces événements dans une dynamique de long terme. Un événement ne doit pas être une fin, mais un tremplin vers d’autres candidatures. Dakar 2026 pourrait ouvrir la voie à une CAN 2029. La RDC, après les Jeux de la Francophonie, pourrait relancer ses infrastructures pour accueillir une compétition panafricaine. La continuité est la clé.
Mais cette continuité suppose une bonne planification. Trop souvent, les projets sont lancés dans l’urgence, sans vision ni phase de test. Cela entraîne des surcoûts, des retards et des infrastructures sous-exploitées après l’événement.
Pour obtenir un bon retour sur investissement, il faut une planification rigoureuse, des investissements durables et structurants, et un transfert de compétences dans chaque secteur organisationnel. Ce transfert doit être accompagné de formations qualifiantes et de prestations de service intégrées dans la durée, avec une stratégie de professionnalisation locale.
Une autre voie consiste à organiser des événements à impact fort, mais à coûts réduits. Cela implique : utiliser les infrastructures existantes, mobiliser les experts locaux, réduire la durée et le nombre de spectateurs physiques, tout en maximisant la visibilité numérique grâce aux plateformes digitales, à l’intelligence artificielle, et aux technologies immersives. Les jeunes générations consomment du sport autrement, via des formats courts, interactifs, accessibles partout. L’Afrique a là un levier à saisir pour faire rayonner ses talents à moindres coûts.
Les défis de demain seront donc triples : professionnaliser l’écosystème, rentabiliser les infrastructures, et réinventer les formats pour miser sur l’impact digital plutôt que l’ampleur physique.
EN DEFINITIVE…
Bien que les investissements dans les événements sportifs aient permis de moderniser les infrastructures sportives africaines, leur rentabilisation reste problématique. Une vision stratégique intégrant planification, partenariats et polyvalence est essentielle pour assurer un retour sur investissement durable.